La carte de Cassini a été réalisée vers 1770 et couvre la France entière. On devrait plutôt dire la carte des Cassini puisque 4 générations de géographes de cette famille y ont travaillé.

La planche 1 représente un extrait de la version numérisée par l’IGN puisque Douains est à la limite Nord de la carte Evreux et que cette limite passe très exactement entre le château de Brécourt et son parc.

Les environs de Doüants.

   On y remarque :

– d’abord l’absence de voies de communication; le village est isolé au milieu du plateau ; ne figurent que les «routes pavées» Chaufour-Pacy par exemple mais celle de Vernon à Pacy s’arrête au raccord des cartes peut-être simplement parce que les 2 cartes n’ont pas été levées en même temps ; figurent aussi quelques chemins, mais il faut croire que ceux desservant le village étaient déjà en mauvais état.

– la graphie : Doüants ; l’explication en est peut-être qu’à l’époque il y avait peu d’écrits, que l’orthographe n’existait pas plus pour les noms propres que pour les noms communs et que l’on écrivait comme on entendait ; de plus les cartographes n’étaient surement pas de la région ; cette écriture laisse penser que l’on devait prononcer le s final.

– les villages alentour ; des paroisses et pour la plupart de petites seigneuries dépendant de la vicomté de Pacy : Chaufour, Chaignoles, Chaignes, Aigleville, Boisset Hennequin,

St Vincent, la H(e)unière, Brécourt (marquisat), Blaru (aussi marquisat)…

– les hameaux du village ; la Sablonnière, la Thuillerie vers Brécourt (R. Morel a identifié dans les actes de décès de la paroisse une victime d’un éboulement probablement dans cette carrière d’argile), les Hats (les Haies), Gournay et sa chapelle St Barthélémy (et pas un prieuré), les Métréaux et une écriture qui interpelle « les Métréaux des Noirs » mal entendu ?…

– la taille du parc de Bizy avec ses allées bien traçées et allant presque jusqu’à St Just.

– tout au Nord de cette carte, ND de Grace ; c’était le nom à l’époque de St Pierre de Bailleul, à cause de la petite chapelle et de sa source miraculeuse ; et pour guider, à travers la campagne, les nombreux pèlerins qui souhaitaient y aller à pied, les chemins s’appelaient « chemins de grace » ; il en reste un bout à Gournay ( un autre à Authouillet)

 

C’est une longue histoire.

   Et cette carte a une longue histoire de presque 1 siècle ; Richelieu avait créé l’Académie Française en 1634 et Colbert l’Académie des Sciences° en 1666. La première décision de cette nouvelle académie fut de construire un observatoire à Paris ,destiné à l’Astronomie mais aussi à la Géographie ; il était situé sur le méridien de Paris, en limite sud de l’agglomération d’alors, près de l’abbaye de Port Royal des Champs et le ciel y était clair.

Pour diriger cet observatoire, Colbert fait venir d’Italie un astronome déjà célèbre Jean-Dominique Cassini (italien certes mais les hasards de l’histoire auraient pu en faire un français puisque sa ville natale, Pignerol devint française un siècle plus tard).

   Autre projet de cette Académie des Sciences, une carte de France et un  académicien,

l’abbé Picard proposa une mesure par triangulation optique.

La méthode précédente consistait à partir d’un point connu, pour en positionner un autre (maison, carrefour, arbre,..) à repérer la direction sur une boussole puis mesurer la distance à l’aide d’un câble ou d’une roue (comme celle des agents de la voirie aujourd’hui) et ainsi de proche en proche ; compte tenu du nombre d’opérations, l’imprécision était assez grande.

   La triangulation consiste, à partir de 2 points connus d’où l’on a une bonne visibilité sur les environs (clocher, tour éventuellement construite pour l’occasion..) de viser un même 3e point et de mesurer avec précision les angles de visée entre point connu et point inconnu ; des calculs trigonométriques donnent avec précision la position du 3e point ; et ainsi de suite.

On commence par le méridien de Paris, de Dunkerque à Perpignan, puis un grand maillage de la France, et Jean Dominique Cassini avec son fils Jacques lui aussi astronome, y participe. Colbert meurt en 1683 il n’y a plus de financement, tout s’arrête ou presque.

Louis XV reprend le projet en 1754 et demande à César François Cassini, petit-fils de Jean

Dominique, de terminer la carte de France, ce qu’il fera avec son fils Dominique , une vraie dynastie. Lors d’une réunion à Versailles , Louis XV surpris de voir Brest se rapprocher de Paris de plus de 100km, s’exclame : » monsieur Cassini, vous avez fait perdre à notre royaume de France plus de territoire que tous nos ennemis ».

Il rencontre aussi des problèmes de financement mais l’idée de créer une société par actions où des mécènes intéressés par le projet investissent, permet de continuer et finalement les 181 feuillets sont gravés et édités.

Voir la carte de France Cassini

   Cette carte servira de référence longtemps en particulier pour l’armée. Napoléon demanda sa mise à jour qui fut réalisée vers 1860 : les cartes d’Etat-Major.

L’echelle

   Parlons maintenant de l’échelle de cette carte : 1/86400 ! quel chiffre bizarre ! eh bien non ; c’est tout simplement 1ligne pour 100 toises, et le système n’est pas décimal :

1 toise vaut 6 pieds, 1pied 12 pouces et 1 pouce 12 lignes ; on est proche de 1/100.000 de tout système décimal métrique ou pas :1 centi.. pour 1 kilo…

   On verra tout à l’heure un autre inconvénient d’un tel système : les opérations.

   On a aussi le même problème avec les unités monétaires ; le franc créé pour payer la rançon du roi Jean II, prisonnier des anglais en 1355 n’est pas utilisé ; c’est la livre qui vaut 20 sols, 1 sol valant 12 deniers ; système hérité des Romains et que les anglais ont conservé 2 siècles de plus ( 1 livre valant 12 shillings et 1 shilling 20 pence) avant de passer à un système décimal (1 livre, la même, valant 100 new pence).

   Cette numérotation base 12 qui a d’ailleurs quelques adeptes ( facilité du calcul des fractions) vient probablement des astronomes sumériens, il y a plus de 4000 ans ; ils avaient remarqué et écrit que l’année comportait environ 12 lunaisons d’où 12 mois et aussi 2x12h par jour ; ils aimaient aussi la base 60 (angles, minutes..)

   Mais là n’est pas le pire ; les unités, monétaires ou pas n’ont pas la même valeur partout dans le royaume : livre tournois ou parisis, boisseau mesure de Pacy, pied du roi ou pas, et même la perche valant suivant les cas 20 ou 22 pouces !

   Il y eut plusieurs essais de standardisation, tous avortés ; certains devaient profiter du système ! rien de neuf sous le soleil !

Cartes de DOUAINS de cette époque